Prêtres… et demain ?

Auteur Jacques NEIRYNCK


La pratique du célibat sacerdotal imposé devrait-elle évoluer ? Six prêtres – ou anciens prêtres – romands plaident pour l’abolition de cette doctrine. Ils publient Prêtres… et demain ? aux éditions Saint-Augustin.

Ce livre est le résultat d’un travail entre six prêtres romands, dont trois ont persévéré dans le ministère tandis que trois autres en sortaient pour se marier. Ce sont autant de personnalités bien connues qui ont exercé une foule de fonctions : professeur de théologie, curé, auteur, guide de montagne, directeur de ressources humaines, consultant, sans parler de la paternité. Ils s’expriment en toute liberté dans un pays où la démocratie est impérative.

Leur conclusion la plus frappante est nette et proclamée. Il faut que les prêtres aient le libre choix entre mariage et célibat. Ceux qui sont restés célibataires en soulignent les vertus, tout comme les autres qui chantent les louanges de la conjugalité. Ils précisent que ce choix doit rester ouvert et qu’en particulier les prêtres mariés devraient être rappelés au ministère s’ils le souhaitent. Ils ne s’embarrassent ni d’un préambule historique, ni de dissertations sur la sexualité. Leur motif est « la liberté de l’Évangile et un plus riche service du peuple de Dieu ».

 

Cette prise de position n’est pas l’initiative de ce petit groupe. Elle rejoint les conclusions du Synode des diocèses de Suisse en 1972 réclamant la possibilité pour les évêques d’ordonner des viri probati. Cette revendication fut formulée dans les termes les plus mesurés, selon la coutume helvétique, mais elle était ferme et claire : la règle actuelle n’est ni souhaitable, ni obligatoire, ni réaliste. Force est de constater que 27 ans plus tard, Rome n’a toujours pas bougé comme si ce sentiment unanime d’une Église nationale, rejointe sans doute par bien d’autres, n’avait aucune valeur.

Mais cette doléance n’est que la conclusion d’un livre beaucoup plus riche en témoignages humains et spirituels. Ces six hommes portent en fin de vie un regard heureux, serein et apaisé sur leurs existences quelles qu’en aient été les aléas. Il n’y a pas de place pour l’amertume, les regrets stériles, la hargne. La foi continue à les habiter et à les réjouir, même ceux qui ont quitté le ministère

La CCBF a entrepris un travail analogue avec sa rubrique « Garder la mémoire des prêtres aînés » qui mériterait une publication. Ce serait l’occasion de comparer les expériences des prêtres de part et d’autre du Jura. Cela soulèverait trois rapprochements.

Contrairement à la France, la Suisse soutient activement le clergé par le biais des Cantons, qui le rémunèrent souvent de façon très généreuse. La laïcité dogmatique n’a pas de place. Il est plus facile de vivre sa condition de prêtre dans une relative aisance. La richesse de la Suisse lui permet de mieux gérer ses religions. Dans cette situation privilégiée, le prêtre, sans problèmes matériels, a le temps d’une vie spirituelle.

L’existence d’une forte proportion de réformés en Suisse induit des constatations évidentes. Si un pasteur marié remplit aussi bien sa fonction qu’un prêtre célibataire, quel est le sens du célibat de ce dernier ? La France paie lourdement les crimes qu’ont constitués la Saint Barthélémy et la révocation de l’Édit de Nantes. On parle trop souvent en France de l’Église, comme s’il n’y en avait d’autres que la catholique. Celle-ci a trop été mêlée au pouvoir politique en tant que religion d’État pour ne pas subir des réactions d’hostilité.

En revanche, les témoignages aussi bien suisses que français possèdent la même tache aveugle : l’abjuration massive des chrétiens pratiquants. Même si ce n’est pas seul critère de mesure de la foi, l’abandon des rites, du baptême, de la confirmation, du mariage devrait poser une question fondamentale à tous ceux qui ont vécu cette rupture en tant que prêtres en un demi-siècle. On doit se demander si ce sont pas vraiment les fidèles qui ont déserté les églises, ou si ce sont plutôt les Églises qui ont abandonné les croyants. Cette question n’est jamais franchement abordée et c’est la seule lacune de ce livre qui mérite d’être chaudement recommandé : beaucoup de problèmes de l’Église de France ne sont peut-être que des problèmes franco-français.


Jacques Neirynck

Voir aussi cette vidéo sur Youtube avec Maxime Morand et Claude Ducarroz, qui ont tous deux participé à la rédaction de cet ouvrage : https://www.youtube.com/watch?v=rXKMVuiIE4A .

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