Donnez-nous, donnez-nous des jardins, des jardins pour y faire des bêtises…

Prière du Pasteur Rédouane ES-SBANTI

Pasteur Redouane es Sbanti    Donnez-nous, donnez-nous des jardins, des jardins pour y faire des bêtises… Il était une fois un  jardin pilote où les êtres humains commencèrent leur histoire et firent leurs premiers pas dans la vie et dans ses problèmes. Les religions s’en souviennent diversement; nostalgie jamais perdue d’un monde et d’un temps différents, parfaits. Pre-mier jardin de Dieu, paradisiaque! En ce temps-là, toutes les projections nostalgiques s’y concentrent. Tous les rêves, les manques et les soupirs…
     Pour la Bible, ce jardin primitif est pourtant celui du dangereux apprentissage de la liberté. Il est aussi celui de la transgression, où l’être humain décide d’essayer la vie à sa manière. Porte de sortie de l’innocence et de la naïveté, c’est le jardin de la prise de conscience et de sa souffrance. L’enfance de l’humanité y a fait ses premières bêtises, et a appris que les actes ont des conséquences.

Quitter le jardin d’éprouvette
Et puis, l’humain est propulsé dans la réalité telle que nous l’affrontons aujourd’hui, avec ses bonheurs et ses duretés, ses angoisses et ses merveilles. La vraie vie commence! Et cette vie, Dieu ne cesse de la rendre possible. A la suite des prophètes, avec le Christ, Dieu vient rejoindre de tout près les vivants, et leur montrer un mode d’existence et de pensée. Invitation à la joie, à l’amitié, au respect, comme dans un royaume qui pourrait commencer.
Le jardin d’éprouvette est devenu la Terre habitable, avec tous les humains, objet de son amour. Et c’est une gageure. Il faut y travailler dur, et on y a mal. Il faut y gérer les conflits, se confronter aux dangereux mystères de la science, savoir vivre avec le pouvoir. «Dans ce jardin qui s’appelle la terre, il y a des oliviers qui meurent sous les bombes, là où est apparue la première colombe…»
Aujourd’hui, tout le jardin est en danger, menacé de disparition, pour cause de bêtise et de méchanceté. Dieu pleure sur ce jardin et la pluie est acide. L’eau manque ou détruit tout. La planète bleue pourrait ne plus avoir d’avenir. Sur cette terre malade, on gémit en pensant avec nostalgie à l’autre jardin.

Les oliviers de la compassion
Mais il y a, sur une colline d’oliviers, le jardin de Gethsémané. Les oliviers du jardin sont millénaires. C’est dire qu’ils en ont vu passer, des pèlerins et des croisés, des Romains, des Turcs, des Européens, des juifs, des chrétiens et des musulmans, et bien d’autres…
Ce jardin a vu Jésus pleurer, suer de peur et supplier. Il l’a vu agité, angoissé puis paisible, assumant. Ce jardin n’est pas un jardin d’Eden, mais un jardin de passion et d’échec. On y a supprimé de la manière la plus abjecte le porteur du projet magnifique de Dieu pour la terre. C’est bien plus grave que ce qui s’était passé dans le premier jardin mythique. Ici, c’est Dieu et son amour qu’on casse et qu’on chasse. C’est la vie qui est rejetée. 
Aujourd’hui même, de par toute la terre, on re-détruit cette vie. Même des gens religieux, qui abusent de Dieu, d’Allah et de Jésus! Mais aujourd’hui aussi se lèvent partout des multitudes qui aiment réellement la terre, la paix et la justice, et qui ensemencent et cultivent en suant et en pleurant, partout, de semblables jardins de passion et de compassion. Ils se trouvent souvent avec Dieu dans un jardin des morts, un vaste cimetière.

Un jardinier pour la vie
Une femme y pleure la vie assassinée. Elle a si mal qu’elle ne peut rien imaginer de bon. Le Christ est tout près d’elle, mais elle ne le sent pas. Elle ne voit sur cette terre que l’absence d’espoir. Entendant la voix de Jésus, elle pense au jardinier. Jardinier, il l’est bien! C’est le gardien de la terre, mort et ressuscité. Marie, à l’appel de son nom, enfin, le reconnaît: «Maître!»
Il faut bien se retourner, changer de perspective, pour voir le Ressuscité. Changer de regard! Après le jardin de la nostalgie, après le jardin de l’échec, de la souffrance, voici l’humble jardin où, à cause d’une présence, on revient à la vie. Car Dieu n’a abandonné aucun de ses jardins. Dans le jardin de mort, il fait renaître à soi, et à sa communion.
Par-delà la torture, le crime et la bêtise, au-delà de la tyrannie, il revient doucement, nous appelle par notre nom, et nous relance en espoir. Il remet debout et en route; il oblige à courir partager avec d’autres endeuillés de la vie l’attente et la volonté d’une terre autrement. Dans ce jardin de l’amour, au-delà des grilles, au bout, à l’horizon, tu peux même voir poindre le jardin à venir, car Dieu ne renonce jamais à créer et à planter un royaume de bonheur. Et ça pousse !

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