Manifeste pour un christianisme d’avenir

 

Présentation réalisée par Jacques  Neirynck sur le site National

Robert Ageneau, Serge Couderc, Robert Dumont, Jacques Musset
initiateurs de la journée du 5 octobre 2019
et éditeurs du livre Manifeste pour un christianisme d’avenir.

Éditions Karthala – février 2020 – 21€

Cet ouvrage fait suite à la journée d’études du 5 octobre 2019 à Paris qui a réuni 140 personnes venant de toute la France et de la Belgique : des chrétiens en recherche, qui ont quitté la foi traditionnelle, s’en sont éloignés ou s’y trouvent mal à l’aise en raison des doctrines, des langages, des rites et de positions de leur Église qui leur semblent obsolètes. Loïc de Kérimel de la CCBF a été l’un des intervenant de la journée.

L’objectif de la journée était de présenter trois démarches de théologiens actuels, l’anglican John Shelby Spong, le catholique Joseph Moingt, le protestant Jean-Marie de Bourqueney, qui tous appellent de leurs vœux une renaissance – et même une mutation – du christianisme actuel. Celui-ci subit en effet dans notre monde occidental une sérieuse crise de crédibilité. Beaucoup de nos contemporains chrétiens, sans forcément remettre en cause leur foi en Jésus, ont quitté sur la pointe des pieds leurs églises, ne pouvant plus adhérer, en raison de leurs exigences critiques, à un dogmatisme figé, élaboré dans une autre culture que la leur. Dans le catholicisme, la crise est plus massive qu’ailleurs car, au dogmatisme bien éloigné de l’enseignement et de la pratique libératrice de Jésus, s’ajoutent un moralisme étroit, basé sur une soi-disant loi naturelle venant du ciel, et une organisation hiérarchique cléricale qui prétend à tort avoir été créée par Jésus et entend régenter la vie des chrétiens. Dogmatisme, moralisme, cléricalisme n’ont rien d’évangéliques.

Pour revenir à l’essentiel du christianisme initié par Jésus, la réflexion conduite par les trois intervenants s’est concentrée sur une visée précise. Elle n’aborde pas en effet les problèmes liés à l’organisation ou aux structures des Églises qui, malgré leur importance, sont seconds par rapport à ce qui caractérise fondamentalement le christianisme. Elle s’emploie essentiellement à retrouver le cœur même du christianisme dans le but de vivre une fidélité vivante à Jésus de Nazareth qui, il y a vingt siècles, a donné son nom à notre « ère commune ».

La pensée de l’évêque américain John Shelby Spong n’est pas inconnue des lecteurs de Golias. Ses cinq livres traduits en français – Jésus pour le XXIsiècle, Né d’une femme, Sauver la Bible du fondamentalisme, La résurrection, mythe ou réalité ?, Pour un christianisme d’avenir – ont été à chaque fois présentés dans Golias Hebdo. Il y démontre, dans un langage très accessible, comment la doctrine chrétienne traditionnelle, reposant sur une lecture littérale des évangiles et ne tenant pas compte des nombreuses découvertes scientifiques acquises depuis le dix-septième siècle, n’a plus de sens pour nombre de nos contemporains instruits et critiques. Il propose une réinterprétation de l’héritage chrétien fondée sur les résultats de l’exégèse moderne des textes bibliques et s’accordant avec les découvertes scientifiques concernant l’univers, les origines et la nature de l’homme. Son dernier ouvrage Pour un christianisme d’avenir qui est son testament (l’auteur a 88 ans) résume brillamment et clairement sa démarche.

L’apport du jésuite Joseph Moingt est aussi prometteur que celui de Spong. Son approche nourrie d’études historiques et exégétiques des plus sérieuses met en relief la distorsion entre le christianisme évangélique des premières communautés chrétiennes des deux premiers siècles et celui des siècles suivants. De premières communautés fraternelles s’autogérant, on est passé à des églises prises en mains par des hiérarchies épiscopales. De la célébration de la cène faisant mémoire de l’engagement de Jésus libérant les humains de ce qui les entravait, on est passé au rite de la messe considérant la mort de Jésus comme le sacrifice expiant la faute originelle. D’une foi à Jésus, visage humain de Dieu en raison de ses combats pour la dignité de l’homme, on est passé à une foi figée en forme de dogmes. Dans son dernier livre L’esprit du christianisme, Joseph Moingt invite à tout remettre à plat par fidélité à Jésus et aux témoignages de ses disciples. Sa pensée lucide et courageuse ouvre des brèches salvatrices.

Le protestant Jean-Marie de Bourqueney a lui aussi apporté du neuf. Le matin, il a fait découvrir une théologie récente née en milieu protestant américain et peu connue des catholiques, la théologie du Process, qui ouvre une fenêtre originale et inédite sur la recherche de Dieu comme énergie et puissance de vie. En fin de journée, il a brossé les grandes lignes de la branche du protestantisme réformé qu’on appelle libérale et qui, depuis ses origines, par souci de vérité et de fidélité au message évangélique, affirme, en refusant tout système autoritaire, la primauté de la foi sur les doctrines, la vocation de l’homme à la liberté, la constante nécessité d’une critique réformatrice, la valeur relative des institutions ecclésiastiques, le désir de réaliser une active fraternité entre les hommes qui sont tous, sans distinction, enfants de Dieu.

À ces trois interventions suivies d’échanges avec les participants se sont ajoutés les témoignages de personnes et d’un groupe de chrétiens du Mans, présenté par Loïc de Kérimel, sur l’étude des écrits de Spong. Tous ont témoigné de la fécondité en eux de ce travail individuel et collectif. C’est un appel à développer de pareilles initiatives à travers les réseaux dont étaient issus les participants. En fin de journée, l’un de nous, Robert Dumont, a mis en perspective les points les plus saillants de cette journée d’études, a posé la question : « Face à la situation, que faire ? Que pouvons-nous faire ? » et a ouvert des pistes.

Cette journée appelle des suites pour fédérer les recherches et les expériences vécues par de nombreux groupes et individus en France et en Belgique. Ce n’est pas sans raison que ce livre prend la forme d’un manifeste pour un christianisme d’avenir. Il est temps, en effet, que les chrétiens de notre génération, qui aspirent à un christianisme ouvert et crédible, et le font déjà exister mais qui avancent souvent dispersés sans lien les uns avec les autres, apprennent à se connaître, à échanger, à collaborer, à s’enrichir mutuellement et, aussi, à témoigner qu’ils sont infiniment plus nombreux qu’on ne le pense.

Si vous, lecteurs de cet article, vous vous sentez concernés par cette aventure de recherche commune d’un christianisme évangélique, affranchi du dogmatisme, du moralisme et du cléricalisme, vous pouvez vous signaler à l’adresse mail suivante : robert.ageneau92@orange.fr
Nous vous contacterons en vue des projets à venir.

Robert Ageneau, Serge Couderc, Robert Dumont, Jacques Musset
initiateurs de la journée du 5 octobre 2019
et éditeurs du livre Manifeste pour un christianisme d’avenir.

 

 

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