La perception de l’indifférence par Albert Rouet

 

                      L’indifférence vue par Albert Rouet évêque émérite de Poitiers

Au niveau du Larousse définition de l’indifférence : État d’esprit de quelqu’un qui ne se sent pas concerné par le problème religieux,

Synonymes : froideur, insensibilité, incompréhension, désintérêt, neutralité

Contraires : enthousiasme, passion

 

 

 

Ce matin nous abordons l’indifférence au sens d’Albert Rouet, cette indifférence qui est la règle dans notre société individualiste.

Cette après – midi nous nous poserons la question : Quels nouveaux messages doit-on faire passer et comment les faire passer ?

 

Evolution de la croyance : Une société où les personnes sont majoritairement indifférentes

L’indifférence se pose comme une réalité massive en soi, qui n’interroge même pas mais mine les assises les mieux établies.

Nous sommes passés d’une société où la croyance va de soi et l’incroyant en situation d’exclu (dénommé mécréant, hérétique,  impie, libertin, agnostique) doit se justifier à une société où c’est le croyant minoritaire qui doit à son tour se justifier…

Les gens ne sont plus contre la foi, ils sont ailleurs, indifférents à ce sujet

La sécularisation de la société où la disparition progressive du sacré « marque une rupture culturelle et sociale ».

 

L’analyse du phénomène de l’indifférence religieuse, retrouvé dans les sondages de pratiques religieuses s’avère complexe :

  • « Où commence-t-elle ? Où s’arrête-t-elle ? Comment se définit-elle ? Autant de points d’incertitude théorique et d’indécision pratique ».

        . Le concept d’indifférence est rendu compliqué par :

 

1 – L’isolement des croyants minoritaires amenés à justifier leur foi : par exemple il leur est demandé « A quoi ça sert de croire ?

2 – L’esquive de la dimension spirituelle de l’homme : On ne peut pas  assimiler les indifférents à une absence de toute vie spirituelle. Cela peut comprendre un dépassement de soi, une générosité (voir les engagements des jeunes dans les ONG), un service rendu, une admiration devant la nature, un amour de l’amour.

 

Albert Rouet nous propose de découvrir comment il voit la personne dans notre société ou l’indifférence règne.

 

  1. 1.     Une personne seule dans une société émiettée par l’individualisme

 

  • Certains éprouvent l’appartenance à une religion comme trop coûteuse et se contentent de gestes occasionnels : « une religion  à la carte » : baptême, mariage, enterrement…  « La question religieuse devient trop lourde, difficile et insupportable. Elle serait pour une autre vie », le manque de temps constitue parfois un alibi…,
  • Recours au chacun pour soi
  • Peur d’aborder le sujet entre amis
  • Eparpillement des convictions

 

  1. 2.     Une personne soucieuse de se protéger des risques (principe de précaution)

 

« L’indifférence se présente comme une protection, une prudence qui préserve la personne de contraintes  externes et des prescriptions dont elle n’est pas partie prenante. »


      1.
3.     Une personne insaisissable allant au gré des  opinions et des évènements

« Les gens ne sont ni pour ni contre la religion, comme on dit. Ils sont ailleurs, pratiquement insaisissables. Comme des nomades, on les voit transiter vers des terres variées, selon les goûts du jour ou des événements publicitaires. »

Il y a un bouleversement des appartenances et des croyances : composition ou recomposition à la carte de l’univers religieux  « en piochant dans le pluralisme confessionnel à sa disposition » et sans engagement durable.

On peut parler de tourisme religieux : une même personne qui se dit « non-croyante » visite volontiers une église, assiste à une messe en latin et participe à un pèlerinage local… Ce moment émouvant ne change rien à sa vie. C’est un christianisme de détente. L’individualisme errant  dans le domaine religieux se retrouve pour fusionner en des alliances passagères, en réseaux de libres accès et sortie. C’est un christianisme de collection que grappillent des maîtres en recherche de public. Enfin, si les religions tentent de s’affirmer haut et fort, elles provoquent une réserve encore plus grande chez les personnes indifférentes et un isolement croissant des croyants identitaires (qui caractérise la revendication par une communauté menacée).

 

  1. 4.     Une personne captée par le présent, méfiante et à distance des systèmes religieux

« Les monothéismes sont suspectés d’intolérance en se voulant conquérant et parce qu’ils imposent aux comportements individuels des exigences éthiques qui relèvent,   pense- t- on, de la conscience de chacun »

L’immédiat comme idole : le politique guette les tendances du jour pour les épouser, le commercial flaire les occasions porteuses, les communicants conçoivent et promeuvent des événements à leurs yeux décisifs, les financiers trient les investissements les plus rentables, les techniques se dépassent en prouesses, c’est le triomphe des statistiques à tout va. La fatalité ce sont les dieux du marché, il y a des croisements d’intérêts de quelques-uns sur le dos de la multitude. Dans cette situation la prudence impose de se tenir à distance des systèmes religieux, la personne se retire et s’isole dans l’immédiat, elle bâtit son ciel en biens de consommation, en vacances, en relations.

  • Avec la relégation au loin des engagements durables, quitte à se passionné d’un coup de cœur

 La fatigue de la foi : Concernant la foi le monde moderne se montre spontanément réservé. Les critiques ne se trouvent plus dans les débats d’idée mais dans les faits historiques sans cesse répétés par des films, la télévision, les livres, les bandes dessinées : les croisades, l’Inquisition, les guerres de religion, l’intolérance systématique…

Difficile espérance : L’espérance a besoin d’espace. Il devient aléatoire de parler d’espérance dans une société marquée par l’individualisme, soumise à la loi de l’immédiat et dont l’organisation, les projets et leur réalisation échappent à la majorité de ses membres.

  • L’espoir recherche des améliorations, être plus reconnu, avoir du beau temps pour ses vacances, garder son emploi, être en bonne santé. Il concerne la situation actuelle, tout en accentuant les phénomènes de replis, individualistes et en réseaux. A terme l’indifférence en sort renforcée.
  • L’espérance voit autre chose pour nous les hommes, suivant une autre perspective, quand l’espoir engendre la passivité, l’espérance promeut une dynamique elle change l’axe du monde elle enracine une autre conception de l’homme. Pour se référer aux évangiles Jésus  manifeste sa pitié aux foules, aux malades (Mt 9,36 guérison paralytique; 14,14 multiplication des pains; 15,32  2nde multiplication des pains; 20,34 aveugles de Jéricho). Il s’adresse à la personne dans sa singularité.

 

  1. 5.     Une personne frustrée et vulnérable

 

  • Sentiment d’un monde qui échappe, sentiment d’impuissance et d’écrasement devant la complexité du monde
  • Homme seul, dépouillé de tout pouvoir, accaparé par des préoccupations superficielles, noyé dans la consommation de masse
  • Ecartèlement entre les possibles, que font miroiter les écrans, et le réel.
  • Cependant un être qui existe, insatisfait, qui souffre, cherche et qui est vulnérable  « L’indifférence, avant d’être un mode de relation à la religion, caractérise une humanité blessée et prostrée. C’est donc comme une conséquence qu’il faut aborder l’indifférence et non comme une revendication assurée, analogue à l’athéisme.

 

  1. 6.     Une personne plus libre vis-à-vis des institutions et en recherche d’authenticité

 

  • Conscience d’une plus grande liberté individuelle
  • L’individu pour exister pose ses choix, « construit ses croyances quitte à les faire évoluer au gré d’une affectivité mouvante »
  • Les aspirations individuelles à la liberté et à l’épanouissement  vont de pair avec la défiance des institutions, tant religieuses que politiques

 

  1. 7.     Une personne indifférente au religieux mais pourvue de spiritualité

 Vivre hors de tout système religieux ne signifie pas être sans spiritualité : celui qu’on classe dans la catégorie indifférent ne se réduit pas à son indifférence et à l’absence de religion : des indifférents ont des formes de vie spirituelle, se référer au succès du film des Hommes et des Dieux.

  • C’est un être qui existe, qui cherche…Il veut vivre bien, il veille à l’éducation de ses enfants, espère un travail gratifiant, un amour durable. Il est habité par des valeurs pour orienter sa vie
  • « ne demeurent que des éléments dispersés mais précieux (un amour, la naissance d’un enfant, etc), « des joies ténues de certains jours heureux de la vie privée…dessiner, très patiemment la valeur personnelle de cette existence »

 L’Eglise n’a pas vu venir le changement…et n’a pas développé les conditions d’un dialogue avec les indifférents, « s’appuyant essentiellement sur l’existence de nombreuses démarches sacramentelles (baptême, mariage) ».

Une Eglise à l’image d’une « société qui se replie sur elle – même, « ausculte son identité et légifère à tout va, Les mêmes réactions apeurées encadrent la vie d’une Eglise qui multiplie les signes identitaires les plus anciens…, et les règlements pointilleux sur les rituels ou les comportements » Ainsi Albert Rouet pose la question de savoir si la foi est condamnée à réagir en miroir de la société ?

C’est une nécessité pour l’Eglise de percevoir l’indifférence et de la prendre en compte

 Une foi troublée : Les croyants se sentent volontiers interpellés et dérangés par des athées capables d’échafauder des théories antagonistes. La conscience  des communautés chrétiennes n’est pas gêné par l’indifférence, sauf quand elles s’affligent de leur vieillissement et de leur diminution. Aujourd’hui l’église ne peut plus s’adosser sur la puissance civile, la religion doit trouver en elle ses propres forces. Il se développe une religiosité sans appartenance, ainsi l’attachement religieux se déploie en réseaux hors du contrôle de l’institution.

 L’indifférence religieuse oblige à réviser nos jugements …

« La situation de l’indifférence religieuse requiert donc une nouvelle attitude pastorale », enracinée dans la rencontre et le partage, une révision de nos jugements sur des modalités de relations à l’Eglise moins institutionnelles et confiées aux soins de chaque fidèle. Elle suppose que l’institution commence à faire confiance à ses membres pour leur laisser la marge nécessaire de contacts et d’initiative … »

Mais ces nouvelles attitudes et comportements à développer, seront abordés cette APRES – MIDI…

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