Invitations à rechercher d’autres attitudes de l’Eglise et des croyants

           

Invitation à rechercher d’autres attitudes de l’Eglise et des croyants

 

« C’est donc au sein de cette faiblesse partagée, de ce lent compagnonnage des hommes blessés, de cette fréquentation de leurs plaies, parce qu’elle souffre des mêmes blessures humaines, que l’Eglise se rend supportable et crédible. Faute de cet enracinement, sa parole a beau tonner, elle flotte et ne traverse pas l’argile où s’isole les cœurs. »

 Comment entrer en contact avec nos contemporains indifférents à la foi de plus en plus nombreux?

Le monde a changé : la religion ne gère plus la société. Elle est devenue « hors sol ». Elle continue d’exister mais on la regarde en spectateur. Comment aborder le sujet avec ceux qui avouent leur neutralité en matière religieuse ou tout au moins leur absence de conviction : « Les gens ne sont ni pour ni contre la religion, comme on dit. Ils sont ailleurs, pratiquement insaisissables. Comme des nomades, on les voit transiter vers des terres variées, selon les goûts du jour ou des événements publicitaires. 

 

Prendre en compte la complexité de la vie maintient l’interrogation.

Un désir incessant meut la vie. Le désir place dans l’indifférence un horizon qui attire au-delà d’elle-même la personne en qui il naît. C’est vers l’existence singulière qu’il faut se tourner en reconnaissant le particulier de chacun. C’est dans ce que la personne possède d’unique qu’il s’agit de trouver l’essentiel qui la relie, par le plus intime d’elle-même, aux autres humains. Cette reconnaissance a une dimension sociale : établir les conditions de vie en commun qui favorisent la dignité des personnes. La conversion des cœurs ne suffit pas pour changer la société. Il y a une responsabilité collective. Sinon on sépare vie privée et vie publique.

Il faut donc une approche renouvelée, sans condescendance. Oser entrer en partage. Trouver un mode de présence et d’accompagnement. En ses propres enfers l’homme reste un homme. Le bon samaritain parle de cette main fraternelle que nulle plaie ne rebute, injonction plus créatrice que tous les préceptes moraux. Elle est la morale même.

Tout dialogue devrait reposer sur l’échange fraternel entre égaux

et non sur un désir de convaincre, la rencontre est première.

 

Un travail de mémoire (P. 57 à 59)

« Une histoire singulière comprend qu’elle est unique parce qu’un autre l’écoute avec attention et lui donne du prix ». « L’unique est le contraire de l’individualisme…et l’unicité accorde la capacité d’entrer en relation » pour créer un lien vital, aider l’autre à se déployer et habiter en lui – même. Reconnaitre sa fragilité par le travail de mémoire, toucher à la complexité de l’humain peut amener à découvrir l’espérance, l’étonnement de croire…

« La situation de l’indifférence religieuse requiert donc une nouvelle attitude pastorale », enracinée dans la rencontre, le partage, …des groupes à taille humaine…

 

L’Eglise est une institution qui n’a pas de centre. Ses responsables sont les sacrements d’un Autre : le Christ est parti. Il reste en Esprit, cette tension vers les autres. C’est une « souplesse » qui nous permet d’aller vers les autres, non pas avec la pesanteur d’une institution, mais avec la gratuité de la présence dont témoigne le Christ. L’Eglise ne travaille pas pour elle-même ; elle est livrée au monde dans la logique du Fils parmi les hommes. Il ne s’agit pas de faire valoir ses vues, ce qui conduit à un moralisme autoritaire. Un homme peut parfaitement suivre une morale sans croire.

Il ne s’agit pas de proposer la foi devant l’indifférence, mais plus justement de découvrir avec ces personnes une foi qui nous précède tous. Il nous faut une posture à hauteur d’homme, une organisation de nos discours et de nos références qui prouve notre intégration dans l’expérience de la vie commune.

 

Les personnes qualifiées d’indifférentes en matière de religions réclament autre chose que des analyses critiques ou la relégation dans l’archipel des –isme (matérialisme, hédonisme..etc.). Elles ont besoin d’être prioritairement reconnues comme des frères en humanité…. Elles sont des personnes qui luttent pour exister et composent comme elles peuvent et comme tout un chacun avec les duretés de la vie. Les traiter fraternellement, loin de tout faire à leur place donc de les maintenir en sujétion, leur restitue leur marge de liberté et leur responsabilité

  

Inventer une Eglise de la tendresse

… aujourd’hui le désir de donner et de se donner n’a pas disparu mais un épais brouillard a obscurci l’horizon des promesses. D’où les tâtonnements, les expérimentations, la volonté tenace d’exister sans se sacrifier pour une cause qui pourrait bien être un mirage….

… de quelle perfection parle l’Evangile Mt5,48 – elle demande de saluer ceux qui ne sont pas des frères, de prier pour nos ennemis, d’aimer ceux qui ne nous aiment pas. Pourquoi ? parce que ce Père fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons…(Mt 5,45. Sa perfection ne réside donc pas dans la rigueur et la sévérité, mais dans le pardon et la tendresse. P.127

Bonne distance :

Il existe un mot pour désigner la bonne distance entre deux tentes de nomades, ruah dont le sens premier signifie également « l’air qui passe », « le souffle », « la respiration » et « l’esprit ». L’exacte relation ne pétrit pas l’autre, parce qu’un souffle l’anime. Dieu rend l’homme vivant par le partage de son souffle (Gn 2,7) p.132

La souplesse

Là où le monde concentre, il faut que l’Eglise décentralise ; là où il n’écoute pas les intéressés, il faut que l’Eglise écoute la voix de chacun. Donc qu’elle éveille sa souplesse. P.139

 

Croire est bon

Comment donner l’envie de goûter à ceux que rien n’attire à priori ?

Communiquer, reconquérir…Le Christ n’a pas commencé par là… Il commence par rendre la santé aux malades, réinsérer les lépreux dans la société et entrer en relation avec les exclus… remettre l’homme debout et le restaurer. P.147

Le « religieux » devient alors une manière d’être en relation vivante et vivifiante avec l’homme. Plus qu’une catégorie réservée, le religieux est fondamentalement relation, une qualité de relation.

Des personnes ont incarné la bonté de croire (Abbé Pierre, Martin Luther King, Sr Emmanuelle, Mandela, etc..) et si ces personnes sont reconnues comme telles, c’est que chacun percevait qu’il serait compris par elles si l’occasion s’en présentait. P.150

D’où l’importance d’être « Pour la vie de l’homme »

Les prières eucharistiques demandent que l’Eglise se mette au service des hommes sans prosélytisme. L’exemple de la parabole du Samaritain révèle qu’Il y a une foi première dans la capacité d’aider un autre à vivre.

Servir Dieu et servir l’humanité n’entrent pas en concurrence

Dans le contexte de l’indifférence, la question cruciale est rarement celle de Dieu ; elle est celle de l’homme. Et si l’Eglise semble se préoccuper de la condition des hommes, ces interventions répétitives, encyclopédiques ne correspondent plus au cadre général des mentalités. Tout cela donne le sentiment que le monde suit son cours sans que l’engagement des humains puisse le modifier.

 Dire le salut

Se trouve alors posée la question du salut. Et la question fondamentale est la suivante : mon existence a-t-elle du prix ? L’homme est devenu incertain de lui-même, donc fragile. Il est enclos dans un monde plein, cerné de totalitarismes.

La foi première trouble cet enclos, parce qu’elle s’appuie sur une autre assise…. L’humanité reste inachevée. Elle relève des relations entre les humains. … première question de la Bible « Adam, où es-tu ? » Gn 3,9. P159

Ouvrir la porte, percer le mur de cet enclos, c’est cela qui définit le salut p.160

Le Christ agit à l’inverse : ce qui est absolu pour lui est d’entrer en relation vivifiante. L’aide devient relative par rapport à la réalité de la présence…. Il offre ainsi l’inverse de l’indifférence, l’altérité la plus essentielle.

Ressuscité, loin de se manifester intègre comme l’attendait la croyance en la résurrection, il garde ses plaies ouvertes et son côté béant. Homme ouvert aux mains trouées, il touche sans enfermer, il est présent sans contraindre. Par le fait même d’être à l’opposé de l’indifférence, le plus autre possible, il peut lui parler et offrir sa foi. (p.161)

L’indifférence oblige donc à rejoindre le plus profond de l’autre, sa volonté d’exister. Il n’y a pas de solution globale. Il n’y a qu’une posture fraternelle et patiente. Ce qui suppose de ne pas se montrer indifférent à ceux qui se disent indifférents.

Le Christ s’est intéressé à l’homme, s’exposant à la mort publique et déshonorante. Et il ne force personne. Il est là silencieux, sans reproche ni amertume. Disponible. Ce don total et muet attire ceux dont la totalité de la vie plonge dans un silence auquel nul autre ne fait attention. La percevoir, c’est prendre la route et faire son chemin. Non pas un système religieux, mais une conduite. Et une conduite accompagnée. (p.183)

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